La possibilité d’une utopie romanesque pleinement émancipatrice : Rouge impératrice de Léonora Miano

Arthur Pétin

Résumé


Le présent article s’attache à montrer combien Rouge impératrice, dernier roman de l’écrivaine franco-camerounaise Léonora Miano, détonne au sein de la littérature contemporaine d’expression française : il propose une fiction d’anticipation utopique qui, dégagée de toute polarisation occidentale, s’emploie à subvertir les systèmes de pouvoir actuels, leurs discours et les imaginaires qu’ils véhiculent.

À travers le récit de la rencontre, en 2124, entre le chef d’État d’une puissante fédération subsaharienne et une universitaire à la complexion rouge, spécialiste d’une communauté de descendants d’immigrés français nationalistes qui refusent de s’intégrer dans l’État fédéral récemment constitué, Léonora Miano propose une utopie romanesque désoccidentalisée : la fresque amoureuse s’accompagne de l’exposition dynamique, pragmatique et crédible d’un État fédéral subsaharien prospère, fondé sur un projet civilisationnel affranchi de toutes formes de domination héritées du colonialisme. Mais la fiction utopique vaut aussi comme miroir critique : à la faveur d’un audacieux renversement, qui fait des suprémacistes blancs contemporains une minorité en situation de domination culturelle, le roman permet d’interroger à nouveaux frais les crispations identitaires de la société française actuelle. Rouge impératrice participe, en outre, d’un renouveau de la pensée africaine, qui revendique une pleine souveraineté intellectuelle dans la dynamique d’émancipation vis-à-vis des anciennes puissances coloniales ; le propos ressaisit donc enfin la façon dont le roman met en acte ce décentrement épistémique, en ouvrant notamment la langue française à un imaginaire décolonial panafricain.


Mots-clés


Léonora Miano ; littérature francophone ; utopie romanesque ; roman d’anticipation ; fiction postcoloniale

Texte intégral :

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2012 | Revue critique de fixxion française contemporaine |  (ISSN 2033-7019)  |  Habillage: Ivan Arickx |  Graphisme: Jeanne Monpeurt
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